Monsieur X

 

Dimanche midi, Café de Flore. Novembre 2005. Mon­sieur X se dandine nerveusement sur son fauteuil en osier tressé. Depuis le mois de juillet, je l'appelle rituelle­ment deux ou trois fois par mois, pour l'inviter à témoi­gner dans ce livre. Sans succès. Monsieur X a toujours peur. Et puis, voici huit jours, il a finalement accepté l'idée de cette interview. « La rentrée est passée, j'ai un peu de temps. » Il se penche sur mon cahier de notes « Vous ne mettez pas mon nom, hein ? Parce que là, c'est fini... » Je lui propose de choisir lui-même son pseudo. Il réfléchit une bonne minute et me propose Baptiste. Adopté. Je l'invite aussi à choisir une ville. Il insiste : « Si vous écrivez d'où je viens, mes collègues me reconnaîtront, et le barda reprendra, et ça, j'en veux plus. » Il réfléchit encore quelques secondes : « Créteil. » Baptiste sera donc prof de maths dans un collège de Créteil. Ce sont les seules concessions à la vérité que nous ferons dans ce livre.

 

«J'ai choisi ce métier car j'adore les mathématiques. Je pense qu'il ne faut pas subir un enseignement, mais au contraire le considérer comme une gymnastique ludi­que, et ma seule ambition est de les enseigner sur ce mode. Après avoir quitté ma Bretagne natale où j'avais enseigné trois ans sans aucun problème, je suis arrivé dans mon collège il y a cinq ans. J'avais demandé ma mutation pour me rapprocher de la région où ma femme exerce. Très rapidement, j'ai compris que la par­tie n'allait pas être facile. Une ambiance invraisemblable qui me rappelait les établissements de ma jeunesse. Cela ne me dérangeait pas vraiment, sauf que j'étais tombé sur de véritables vigiles de la pensée, pas ouverts pour un sou ! »

 

Baptiste s'interrompt, puis reprend : « À leurs yeux, il était impossible de ne pas être de gauche, voire d'ex­trême gauche pour certains. Les socialistes étaient leurs pires ennemis. Leur échiquier politique débutait à la LCR et s'arrêtait au PS. Leur extrême droite, c'étaient Strauss-Kahn et les libéraux du PS. »

 

Un jour cependant, Baptiste avoue qu'il ne se sent pas très à l'aise dans ce climat politisé : « C'était en fin de matinée, dans la salle des profs. Un de mes confrères, un type tranquille d'une trentaine d'années, me sem­blait moins politisé que les autres. Je lui ai dit que Chirac n'était pas Hitler et que j'appréciais ses qualités de rassembleur. Il a semblé d'accord avec moi. Alors je me suis enhardi et je me suis plaint du climat ultra-politisé de l'établissement. Je vous assure que l'endoctrinement allait bon train : tous les auteurs étudiés étaient de gau­che, toutes les problématiques étaient abordées de façon partisane. J'ai dit à mon collègue que je n'étais pas d'ac­cord avec ça et que la pluralité était une nécessité péda­gogique. Je lui ai parlé de mon intention de me battre contre eux sur le terrain des idées... »

 

Les choses sérieuses commencent trois jours plus tard. Un tract, distribué à l'intérieur du collège et signé par le seul syndicat d'enseignants présent au CES, met en garde les enseignants et les élèves contre « l'arrivée de professeurs sarkozistes et d'autres droites peu recommandables au sein de notre établissement d'enseigne­ment public ».

 

« Ça a été un choc. Le tract était affiché partout, distribué partout, il donnait lieu à des débats dans les salles de classe, à la cantine, pendant les récréations. Jamais en ma présence bien sûr. J'aurais voulu leur hurler que j'étais normal, humain. Que mon père avait été un petit instituteur de l'école laïque dans ce qu'on appelait encore les Côtes-du-Nord, la Bretagne rouge, que ma mère, infirmière kabyle, m'avait enseigné l'amour et la tolérance. Mais j'étais indésirable dans leurs débats. Cer­tains de mes collègues ont cessé de me parler, de me regarder. On m'évitait. Je me suis rendu au bureau du proviseur afin de lui demander de faire cesser ces men­songes. Il a joué l'étonné et m'a expliqué qu'il ne pou­vait contrecarrer un principe aussi sacré que la libre expression syndicale. A la fin de l'entretien, il m'a quand même demandé si j'étais d'extrême droite. J'ai failli lui casser la gueule, ça aurait été terrible pour moi. Quand j'ai retrouvé ma salle de classe, un élève avait écrit la phrase de Brecht sur le tableau : "Le ventre est encore fécond d'où est sortie la bête immonde." Je ne sais quel prof la lui avait soufflée. J'étais comparé à Hitler ! Huit jours après, ma femme, à qui je n'avais rien osé dire, est rentrée du travail abattue. La nouvelle avait fait le tour de la ville : deux collègues travaillant dans sa mutuelle lui avaient avoué l'inquiétude de leurs maris à propos de la politisation malsaine que j'avais tenté de faire entrer au CES. Les sarkozistes voulaient reprendre en main l'établissement ! »

 

À cette époque, Nicolas Sarkozy est ministre de l'Intérieur. Il scrute avec attention la France des banlieues. L'amalgame est facile. « Ça ne s'est pas arrêté là. Des profs, militants du PCF, ont mis sur pied une réunion dans une salle publique, avec des parents d'élèves, sur le thème : Il faut réagir face à la politisation de droite dans nos établissements. Il y a même eu une émission entière consacrée à cette affaire sur une petite radio locale. Ils ont fait croire que je pilotais une cellule de renseigne­ments au coeur de la France de gauche pour espionner je ne sais quel système connu de tous depuis des décen­nies, moi qui n'avais jamais milité nulle part, et encore moins collé la moindre affiche. »

 

Hélas, le beau modèle d'ascenseur social de Jules Ferry, l'Éducation nationale pépinière des élites de la République, n'est pas tout à fait celui dont Luc a hérité selon une récente étude, plus d'un tiers des élèves entrant en sixième ne comprennent pas ce qu'ils lisent et 9 % ne savent pas déchiffrer. À son tour, en 2003, Luc Ferry entreprend donc de réformer le « Mammouth »...

 

Fort logiquement, dans le collège où Baptiste ensei­gne toujours les mathématiques, l'étendard de la révolte (toujours prompt à flotter au vent dans les établisse­ments publics) sort du placard où on l'avait rangé quel­ques grèves plus tôt. « La bataille gauche-droite allait reprendre et je ne voulais pas rejouer un an plus tard le rôle de l'agent ennemi... Je dois vous préciser qu'après un an d'ostracisation totale, j'étais passé par toutes les phases : la culpabilité, les antidépresseurs, la haine, la honte. Alors j'ai cherché des appuis. Je suis allé voir les militants locaux de l'UMP qui avaient entendu parler de mon histoire. J'ai pris ma carte dans ce parti politique, par conviction et dans l'espoir de faire bouger les cho­ses. Mais j'étais dans un tel état qu'ils m'ont conseillé de faire profil bas, et d'avouer mon erreur à mes collègues enseignants. Une espèce d'autocritique, comme à l'épo­que des purges du parti communiste, dont le but était de retrouver des conditions de travail normales. J'ai fait passer des messages à des professeurs dont je savais qu'ils répétaient tout aux leaders. L'allégeance ne s'est pas arrêtée là : j'ai aussi pris ma carte du syndicat unique du collège... Les vannes du dialogue se sont ouvertes à nouveau et je revis, car même si ces gens ne partagent pas mes opinions, nous sommes tous des humains et je ne peux pas vivre sans parler, comme un robot. Lorsque les grandes manifs anti-Ferry se sont déroulées à Paris, j'ai insisté pour me rendre sur place en autocar avec mes collègues. J'ai chanté le slogan anti-Chirac et anti-Ferry. Dans les manifestations qui ont suivi, je n'ai pas eu à insister :j'avais ma place dans le car. Ils me plaçaient en tête de la délégation car j'avais une grosse voix, idéale pour crier dans le porte-voix. Le plus drôle c'est que le soir des manifs, Une fois rentré dans mon département, j'allais coller des affiches de l'UMP qui soutenaient la réforme de Luc Ferry. Vous pouvez penser que je suis hypocrite ou schizophrène, mais c'est la condition préa­lable à ma survie dans ce milieu totalitaire qu'est le lycée où j'enseigne. »


 

Petit viatique pour bien pense et bien agir

 

[L’auteur reprend la parole]

 

Dans un CES de province où j'effectuais ma scolarité sans véritable zèle, j'avais pris l'habitude, faisant le constat de l'obsession antifasciste de mes professeurs (quelle que fût la matière qu'ils enseignaient), de rédi­ger chacun de mes devoirs de français comme un combat antifasciste. Je n'avais guère de convictions poli­tiques mais j'avais observé que cela me valait des notes bien supérieures à celles de mes camarades. Le filon était excellent. Rédaction de 5e: « Vous avez une passion secrète. Racontez. » Sur trois ou quatre pages peu convaincantes, je détaillais mon goût pour les timbres du monde entier. Ensuite mon cerveau perverti entrait en action. Je décrivais mes petits camarades se fichant de mon penchant philatéliste totalement hors du temps. Je me posais en victime de leurs sarcasmes collectifs. Puis j'usais de ma botte secrète en achevant mon devoir par la sentence de Brecht, unanimement adorée par le corps enseignant de mon collège de banlieue : « Le ventre est encore fécond d'où est sortie la bête immonde. » La transposition bourreau/victime fonctionnait à plein. Mes pauvres petits camarades innocents étaient les nazis, j'étais le petit juif de la photo du livre d'histoire. Celui du, ghetto de Varsovie qui lève les bras. Grâce à cette supercherie pas vraiment réalisée en conscience, j'ai eu les meilleures notes en français pendant des années.

 

La mythologie des enseignants se nourrit de Guernica en tout genre. Éternel militant [éternel adolescent ? Sans doute excessif, il n'empêche que la fréquentation du corps enseignant permet de constater ceratins traits adolescents. L’enseignant a pour particularité de ne jamais quitter l’école alors que le passage de l’école à l’entreprise est un rite, une initiation à l’univers adulte], l'enseignant est bipolaire. Une bipolarité de western, avec ses bons et ses méchants : les gentils humanistes de gauche et les méchants fachos. Côté valeurs sûres, il y a les républi­cains espagnols, Mesrine [ ?], Jospin, les quotas, la redistribu­tion, l'agriculture raisonnée, Salvador Allende, le FLNC, la Ille République, Kouchner, l'Afrique, les Indiens d'Amérique centrale, Lénine, Jean Ferrat, [Manu Chao ] Staline le vainqueur de Hitler même s'il a un peu dérapé, les mar­tyrs de Gaza, Médecins sans frontières, Jaurès, José Bové, Robert Enrico, Greenpeace, le développement durable, Jean Moulin, Robespierre, Che Guevara, Fidel Castro, Le Cuirassé Potemkine, l'athlétisme... Les valeurs repoussoirs : les CRS SS, l'ultra-libéralisme, Hitler-Le Pen-Mégret, Sarkozy-qui-ne-pense-qu'à-2007, le ministre de l'Éduca­tion nationale quel qu'il soit, la mondialisation, la certifi­cation ISO, les Américains sauf Michael Moore, le FMI qui étrangle les pays émergents, John Ford, l'avance­ment au mérite, Stendhal, les pages saumon du Figaro, Alain Delon, Raymond Aron, toute la droite sauf Borloo et Simone Veil, les privatisations, le football où le fric est roi, Revel, Louis XIV, Les Échos, Bonaparte, DSK, l'ar­gent, la chasse, la CIA, l'économie, la colonisation, indis­tinctement Tony Blair et Margaret Thatcher, le secteur privé, Mitterrand, Louis Malle, les stock-options, les fonds de pension, Internet, la rentabilité...

 

Bref, il ne vous aura pas échappé que l'enseignement professe un système binaire organisé autour d'un pôle démocratique et d'un pôle totalitaire. L'histoire balance de l'un à l'autre, réduisant chaque système politique soit à de maladroits balbutiements démocratiques, soit à de féroces despotismes précurseurs des grands drames du XXe siècle. Les premiers ont abouti à la social-démocratie actuelle, les seconds au pire... L'équation morale et intellectuelle qui prévaut de la maternelle grande sec­tion à l'ENA se réduit donc à cette lapalissade : la dictature c'est l'enfer, la social-démocratie c'est super ! Or, si les bons sentiments ne font pas la bonne littérature, ils ne font pas non plus la bonne philosophie. S'émanciper de ce manichéisme lénifiant, c'est franchir la ligne rouge. Il ne s'agit pas de justifier la barbarie ou de remettre en cause le principe démocratique, mais juste de récuser l'idée que la diabolisation de l'ennemi totalitaire suffise comme témoignage de bonne moralité intel­lectuelle. Car aujourd'hui, on ne débat avec son voisin que si les principes préalables au bon fonctionnement de l'échange sont remplis : ledit voisin devra être favora­ble au développement durable, à l'élargissement de l'Eu­rope, au Pacs, il sera contre la grippe aviaire, anti-TF1 et anti-McDo (deux marques que tout le monde déteste mais chez qui tout le monde va)...

 

Dans ce dispositif, il importait aussi que les professeurs se banalisent, qu'ils adoptent le parler-cool, le parler­djeun's et que leur soumission aux automatismes du lan­gage de la rue devienne patente lors des cours. C'est le fameux « au niveau du vécu » des années soixante-dix, cent fois remplacé depuis.

 

Le dernier avatar de cette démagogie babacoolisante est la fascination de certains professeurs pour la culture SMS. Elle renvoie l'enseignant de gauche à la question, mille fois débattue à l'Éducation nationale, du fascisme de l'orthographe. Ce langage moderne mais indigent ne manquera pas de séduire les nouveaux pédagogues. Qu'en feront-ils ? Le point de départ d'une nouvelle pédagogie : la méthode SMiste ? « On fait des géné­rations d'abrutis, remarque Laurent Gerra, incapables de lire Baudelaire ou Victor Hugo sous prétexte que cen'est pas écrit en Texto ou en SMS. » Nourris de cette idéologie simpliste, les enseignants, les universitaires, les chercheurs et surtout les « apprenants » ignorent tout de la droite démocratique, porteuse de valeurs humanis­tes. Elle ne fait pas partie du corpus enseigné, elle ne fait pas partie de leurs possibles...

 

Dans un univers qui aurait dû être oecuménique, Marie, alors étudiante en troisième cycle, a vécu la soli­tude du chercheur de droite : « La recherche universi­taire est un territoire complètement infiltré par la gauche. Dans mon DEA d'études politiques, nous étions quatre-vingts étudiants, dont une trentaine spécialisés en analyse de la vie politique. Il était implicitement consi­déré par les étudiants qu'il était "politiquement incor­rect" de travailler sur la droite républicaine. La totalité des étudiants choisissaient donc des sujets d'investiga­tion sur la gauche, avec des questionnements de gau­che... bien éloignés de la neutralité axiologique de Max Weber : le mouvement Droit au logement, Ras l'front, les mouvements de chômeurs, le PS, la LCR, SUD ou Lutte ouvrière constituaient les sujets de prédilection des étudiants de ma promotion. Lorsqu'ils s'intéres­saient à la droite, c'était uniquement à ses composantes extrêmes, le Front national ou les dérives fascistes, etc. Lorsque j'ai dit que je voulais travailler sur le mouvement gaulliste, il y a eu un frémissement  : j'étais la seule cette année-là à avoir choisi de travailler sur la droite républicaine. Pour être franche, un autre étudiant, ayant perçu le vide en la matière, a décidé, par ruse, de travail­ler sur l'UDF. »

Nous sommes bien au coeur de l'absolutisme de la gauche française dans le domaine des idées. Deux étu­diants sur près de quatre-vingts ! La droite républicaine ne mérite-t-elle pas d'être étudiée elle aussi par les élèves de science politique ? Le gaullisme, le courant orléa­niste, le libéralisme français ne sont-ils pas eux aussi sus­ceptibles de fournir aux étudiants des sujets de réflexion consistants ? Pourquoi les professeurs ne les orientent-ils pas vers ces voies ? Nombreux sont les sujets qui contri­bueraient à une vraie réflexion : La tradition étatiste de la droite française ; Le poids de l'idéologie bonapartiste sur la droite française du xxie siècle ; La droite française et le conflit israélo-arabe ; Les néogaullistes et l'Europe ; L'échec libéral en France ; Libertariens et anarcho-capi­talistes : la droite et ses utopies, etc.

 

Les conditions de la pluralité ne sont pas créées par les enseignants dont la première mission devrait être pourtant de maintenir coûte que coûte un territoire de recherche et de réflexion vaste et foisonnant. Ce totalita­risme faussement vertueux, robespierriste, refuse toute espèce de légitimité à celui qui sort des sentiers battus du cadre de recherche tacitement autorisé : la gauche. Car l'université, qui semble avoir abandonné l'idée d'être un lieu de transmission des connaissances, est désormais une photographie de la société civile. La nou­velle morale droit-de-l'hommiste enseignée à ces élèves citoyens du monde » consacre la seule valeur digne d'être transmise sur les campus : la solidarité. Valeur ten­dance ancrée dans son époque... Comme si cela ne suffi­sait pas, l'université cède à tous les effets de mode et calque ses actions et ses combats sur ceux des médias. Virginie Despentes, Greenpeace et les habitants de Gaza sont des préoccupations qui passent avant la physique quantique, le Parnasse et Durkheim. Car le plus impor­tant, c'est de ne pas passer à côté de l'air du temps. L'es­sayiste Philippe Muray, dans Moderne contre moderne, jette un regard suspicieux sur ce monde qui « a en même temps les apparences d'une kermesse et d'une chasse aux sorcières ». La modernité, écrit Alain Finkielkraut, a remplacé « l'antithèse du Bien et du Mal par celle du progressiste et du réactionnaire ». Pour être du bon côté, il faut manger bio, lire Anna Gavalda et faire confiance à la police de la pensée. Et à défaut d'ensei­gner, l'université fait tout pour coller à l'esprit de son époque et « faire jeune » : journées de collecte pour le Kosovo ; quête à l'occasion de l'anniversaire du tsuna­mi ; journée d'action en faveur des victimes de Bush en Irak, ou pour les victimes du cyclone Katrina ; comités de soutien aux otages français ; lâchers de ballons soli­daires ; fanfares caritatives... « N'importe quelle activité plus ou moins sportive ou ludique s'est métamorphosée en geste héroïque de mobilisation », écrit Muray qui expliquait, dans un article publié après la libération de la journaliste détenue en Irak : « A ce compte, on aurait pu rentrer chez soi en RER ou manger une pizza pour Florence et Hussein ». Pour reprendre le reproche adressé par Albert Camus à Jean-Paul Sartre, il s'agit d'« asseoir son fauteuil dans le sens de l'histoire ». Pour Claire Laux et Isabel Weiss, « on rappelle aux étudiants la diffusion planétaire mais éloignée du mal, à grand renfort de campagnes de prévention sur le sida, ou de conférences sur les sans-papiers - autant d'heures de cours pour la bonne cause -, on lés invite à une vigilance constante afin d'éviter son retour éventuel parmi nous. Bref on leur signifie clairement que toute insouciance leur est interdite ».

Quant aux cours eux-mêmes, ils procèdent de la même pédagogie affleurante : « Il s'agit moins de prépa­rer l'accès au savoir que de donner un substitut de connaissance, d'informer en soi, notent les auteurs de Ignare Academy. L'élève ne sait pas bien qui est Kant et comment s'est construite sa pensée, mais n'ignore plus qu'il a composé un vague projet de paix perpétuelle Kant, Aristide Briand, Jean Monnet et Jacques Delors, même combat ! Dans le même ordre d'idées, comment ne pas penser à la très pédagogique commémoration de Victor Hugo. [...] De l'écrivain on ne garde que les barri­cades, l'opposition à la peine de mort, la République ce qui présente aussi l'avantage de rendre Hugo accessi­ble à tous ceux qui ne possèdent pas les plus petits rudi­ments d'une culture biblique, pourtant indispensable à la compréhension de ses métaphores ».