2007 : un choix de civilisation

 

 

La campagne plan-plan se moque du monde, quand un choix de civilisation est en jeu. La question ne se résume pas à la place que les candidats vont accorder à l'écologie, sous la pression habile de Nicolas Hulot. C'est la préservation de la culture qui est aussi posée. Les commentaires qui, par exemple, voient dans la hausse de la démographie une aubaine pour le paiement des retraites, révèlent une indifférence pour les bouleversements identitaires que produit l'immigration extra-européenne [cette indifférence est sûrement plus grande dans la "France d'en haut", où l'on vit, grâce à la ségrégation immobilière, loin de la France multicolore. Il n'est pas rare, dans la "France d'en bas", d'entendre, même de socialistes, qu' "on n'est plus en France." Le discours à la mode est très hypocrite : tous auraient le droit de se réclamer de leurs origines, de leur "culture", tous, sauf les blancs, les "Gaulois".] D'autres signes confirment une perte de vigilance.

 

La libre expression, qui a porté l'esprit français, n'est déjà plus intouchable. Ainsi, des intimidations islamistes auront-elles poussé enseignants et droits-de-l'hommistes à lâcher Robert Redeker, professeur de philosophie condamné à mort pour un article dans Le Figaro. « Plus les jours passent, plus je prends la mesure de l'étendue de la corruption intellectuelle et morale qui affecte la gauche de ce pays », écrit-il dans son journal (Il faut tenter de vivre, Seuil).

 

Mais certains membres du gouvernement n'auront rien fait, non plus, pour défendre le droit à la critique et à l'insolence. Les réserves des ministres de l'Éducation nationale et de la Culture auront été des concessions à l'intolérance. Redeker rend hommage, en revanche, aux milliers de courriers reçus qui « n'acceptent pas que nos moeurs soient changées pour complaire à un islam politique qui effraie les élites ». Il salue aussi l'attitude de Nicolas Sarkozy.

 

Ségolène Royal, silencieuse pour Redeker, ne rassure pas d'avantage sur sa volonté de faire respecter l'histoire et l'héritage des Lumières, quand elle déclare : « Je ne veux plus entendre parler d'intégration » (Toulon, 17 janvier). Un propos destiné à flatter une partie de la jeunesse, qui conteste la prétention qui fut longtemps celle de la France, de proposer ses règles et ses moeurs en modèle.

 

« Je veux un pays qui entende ce que lui dit Diam's dans Ma France à moi », explique Royal. Alors, écoutons la chanson de la rappeuse : « Non, c'est pas ma France à moi cette France profonde/Alors peut-être qu'on dérange mais nos valeurs vaincront/Et si on est des citoyens, alors aux armes la jeunesse/Ma France a moi leur tiendra tête, jusqu'à ce qu'ils nous respectent ». Encourager cette agressivité ?

 

« Ignorance crasse »

 

Une déculturation est en marche, quand la France laisse filer son autorité, sa fierté. Ce risque fait écho à l'inquiétude de Chateaubriand qui, découvrant la Grèce du XIXe siècle sous l'occupation ottomane, ne reconnaît plus ce peuple qui fut « le plus léger et le plus spirituel de la terre ». « Quel désert ! Quel silence ! Infortuné pays ! Malheureux Grecs ! La France perdra-t-elle ainsi sa gloire ? Sera-t-elle ainsi dévastée, foulée aux pieds dans la suite des siècles ? » (Itinéraire de Paris à Jérusalem, page 844, « Bibliothèque de la Pléiade »). Deux ou trois générations, essorées par une école ayant renoncé à transmettre un socle commun, pourraient suffire à faire de la nation le cimetière de son génie passé  [l'inculture des moins de trente ans est saisssante : de ceux que je vois autour de moi, seuls s'en sortent ceux qui ont une passion qui les guide, et les grands gagnants de la culture générale sont ceux qui ont la passion de la lecture ; mais de socle commun transmis par l'école ? Pas plus que de poils sur la paume de ma main. Imaginez vous un jeune ingénieur qui n'a jamais entendu parler de Stendhal ? Je ne parle pas de le lire, seulement que le nom lui soit connu.] .

 

Qu'attendent les candidats, qui s'égarent dans des coups bas, pour s'en inquiéter ? Le désastre éducatif mériterait à lui seul un grand débat. Quand certains manuels scolaires accordent à José Bové une place plus importante qu'à Bismark, Chamberlain ou Helmut Kohl (article de Barbara Lefebvre, revue Commentaire n° 116), on comprend mieux la familiarité du discours altermondialiste et antilibéral auprès des jeunes, d'autant que la majorité des membres d'Attac sont également enseignants. Mais ce matraquage n'est rien d'autre qu'un endoctrinement, quand il s'exerce sur des esprits non formés à l'esprit critique  [L'éducation nationale a été beaucoup plus forte ces vingt dernières années pour l'endoctrinement que pour l'enseignement. C'est le risque quand l'enseignement est totalement étatisé (l’indépendance de l’enseignement privé soous contrat est marginale, le seul enseignement vraiment libre en France est privé hors contrat, c’est-à-dire ultra-confidentiel.).] . À quand la libération de l'école ?

 

La gauche que représente Ségolène Royal ne semble pas capable de s'opposer à cette entreprise de démolition. C'est Louis Mexandeau, ancien ministre socialiste, qui assure (Le Figaro Magazine, 28-10 -06) : « Ségolène, c'est une inculture de taille encyclopédique, une sorte de trou noir de la science, une ignorance crasse (...)». [on s’en doutait] Quant au sociologue Michel Wieviorka, s'exprimant au nom des intellectuels de gauche dans Libération, il conjure la candidate de marquer « un coup d'arrêt dans ses expressions, qui abaissent la culture et flattent le mépris des intellectuels ». À la droite de combler le vide.

 

Autodestruction

 

Nombreux sont ceux, à droite et à gauche, qui sont prêts à aider la République à faire respecter son unité, sa langue, ses lois. Encore faudrait-il que les discussions portent aussi sur le contenu de ce qui pourrait constituer une déclaration d'allégeance, pour les nouveaux venus. Peut-on accepter que des gynécologues se fassent agresser par des furieux, qui refusent que leur épouse soit examinée par un homme ? « Ils invoquent la religion mais c'est un prétexte pour que les institutions s'adaptent à eux et pas le contraire », fait remarquer le professeur Israël Nisand (Le Parisien, mercredi). Transiger, c'est reculer.

 

Ayann Hirsi Ali, la rebelle de l'islam, nous a mis en garde (Le Figaro Magazine, 18-11-06) : « En relativisant la morale et en affirmant l'équivalence des cultures, nombre de vos intellectuels empruntent, sans même s'en apercevoir, les chemins de l'autodestruction. » La tentation existe, chez les adeptes de la table rase, de laisser l'immigration décider de ce que sera la France de demain. Dans ce cas, la nation aura disparu avant la fin du XXIe siècle. Si personne ne s'en inquiète aujourd'hui, il sera vite trop tard.  [Ne voyez vous pas ceux pour qui la question est déjà tranchée et quittent la France pour faire leur vie ailleurs ?]

 

Redécouvrir le libéralisme

 

Et qu'attend la France pour redécouvrir enfin le libéralisme, né de son histoire ? Il fut porté par Turgot, Say, Bastiat, Montesquieu, Tocqueville. Là aussi, un choix est à faire en 2007.  [Le Point sort un numéro spécial Libéralisme, ça pourrait être un cours de rattrapage express pour certains.]