Par Jean Matouk (Economiste) 10H43
24/12/2007
Au-delà du rire, la honte! Un sentiment que
d’aucuns jugeront ringard, mais ma première réaction à la nouvelle de la
liaison de Nicolas Sarkozy et du top model Carla Bruni a été la honte. La honte
aujourd’hui d’être un citoyen français représenté à l’étranger par Nicolas
Sarkozy.
M’est revenue tout de suite à l’esprit la
distinction de l’historien Kantorowivz entre les deux "corps du roi";
le corps sacerdotal, celui par lequel il incarne la collectivité, et le corps
réel, celui qui mange, boit , aime. La distinction s’applique évidemment aussi
aux présidents et chefs de gouvernement et, plus encore, à Nicolas Sarkozy, qui
prétend renforcer les pouvoirs présidentiels.
Comme le souligne Régis Debray dans sa récente
"Obscénité démocratique", il faut au sommet de l’Etat, au Prince, un
certain apparat, une certaine solennité, le respect de certains rites. Même
s’il n’est plus -et c’est heureux- de droit divin, il participe du
"bouclage" de la société au-dessus d’elle-même, sans lequel elle se
délite; c’est le rôle du "corps sacerdotal" du roi. Bernard
Henri-Levy le remarquait récemment: tous les prédécesseurs de Nicolas Sarkozy
maintenaient une distinction claire entre le premier et le second
"corps", pour que la majesté du premier ne soit pas atteinte par les
éventuels écarts, en tous cas, le caractère commun du second.
Des bruits multiples ont couru sur les écarts de
Jacques Chirac et de Valery Giscard d’Estaing. La France a appris à la fin du
second septennat la double vie de François Mitterrand et sa fille cachée. Mais
ils savaient, les uns et les autres, maintenir la distance qu’il faut entre
leur vie privée et leur rôle symbolique.
Avec l’actuel président , les deux "corps
du roi" deviennent indistincts. Le peuple participe au corps réel. Il vit,
en direct, les querelles de ménage et les séparations. Le voici maintenant qui
vit, tout aussi en direct, le "collage" du Prince avec une nouvelle
compagne. A quand le coït en direct?
Si, encore, ce collage avait été vraiment révélé
par une indiscrétion de journaliste, une photo "volée" à l’une des
entrées secondaires de l’Elysée, dans un autre palais de la République ou dans
un hôtel. Mais c’est à Disneyland que le Président a clairement organisé la
révélation, à côté de Mickey, Minie et Popeye, qui n’ont rien de vulgaire en
eux-mêmes, mais qui, n’ayant rien à voir avec les frasques présidentielles,
contribuent , malgré eux, à ridiculiser un peu plus le corps sacerdotal.
D’aucuns affirment qu’il fallait faire oublier les honneurs assez scandaleusement accordés à Khadafi et les pitreries bédouines de ce dernier, par un autre évènement médiatique. Raté! Les deux évènements médiatiques se renforcent et se complètent dans l’atteinte portée à la majesté de la République. Décidément, aujourd’hui, je préfèrerais être espagnol, allemand, anglais, et même américain, que français.