Fwd: Chronique d'espérance
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Dérive
Jean-Louis Caccomo, le 17 décembre 2007
Quand vient la lassitude et le
découragement, je me demande parfois si les français ne vivent pas
au-dessus de leurs moyens intellectuels. Ils veulent sans cesse
arracher des augmentations de salaires en usant de méthodes
collectives qui aboutissent à renchérir le prix des choses qu'ils
consommeront par la suite. Ils revendiquent la démocratie mais sont
prêts à couper la tête de ceux qui ne seront pas exactement
d'accord avec eux. Ils se définissent comme des animaux
politiques mais ne sont pas toujours prêts à débattre selon les
règles de respect et d'ouverture que le débat implique. Pour ne
pas en être conscients, ils forment aujourd'hui une collectivité
en dérive.
Car avant d'être financière, une faillite est toujours et d'abord
morale. C'est pour avoir oublié que les droits sont toujours la
contrepartie de devoirs que nous tirons collectivement sur la corde
qui nous étrangle, subissant le chantage suicidaire de syndicats
aveugles. Les Français ont guillotiné leur roi, mettant fin à
une des dynasties régnantes les plus vieilles et les plus
prestigieuses de l'histoire humaine qui avait porté la France au
sommet de son rayonnement, au nom d'une révolution libératrice qui
a rapidement dégénéré en une terreur jacobine sanglante qui a
installé pour longtemps un Etat central aussi omnipotent
qu'impotent. Ils ont tué ensuite Dieu et l'Eglise pour
s'affranchir des cadres trop stricts de la foi. Ils ont enfin
tué la démocratie elle-même, court-circuitant sans arrêt le
verdict des urnes quand il dérange les minorités coalisés en
corporatismes de toutes sortes. Alors qu'ils sont demandeurs de
toujours plus d'Etat dans pratiquement tous les domaines de leur vie,
les français n'ont de cesse d'empêcher les responsables politiques
d'agir, ceux qui ont précisément pour mission de conduire l'Etat.
On ne peut incessamment demander une chose et son contraire.
A force de saboter un à un les cadres fondamentaux de la cohésion
sociale et de l'identité d'un peuple, nous vivons dans un pays en
coup d'Etat permanent et en guerre civile larvée et récurrente. Au
lieu de nous souder, chacun met de l'huile sur le feu. Les prix du
pétrole grimpent, les marins pêcheurs bloquent les ports et
brûlent des pneus. Quand ce n'est pas les routiers qui bloquent les
routes, ce sont alors les transports publics qui prennent en otage la
population impuissante. De leurs côtés, les étudiants en
colère bloquent les campus ou les professeurs font la grève des
examens.
La dislocation de la cohésion sociale et nationale, que la
mascarade de « dialogue social » peut difficilement
camoufler, est un signe patent d'un déclin dont la dimension
économique n'est que la surface. Car ce déclin est culturel et
moral : le rejet de toute forme d'autorité et de discipline
(car en effet créer des richesses implique de travailler, ce qui ne
va pas sans contraintes et la contrainte budgétaire est toujours la
contrepartie d'un pouvoir d'achat) conduit à la médiocrité et à
l'affaiblissement. Dans ce contexte, nous avons peur du changement, de
l'inconnu, du monde, des autres, ce qui nous conduit à avoir peur de
vivre tout simplement. De plus, chacun de nous est tenté de cultiver
un comportement de prédateur vis-à-vis de notre propre pays, en
cherchant de profiter de tous les avantages que peut offrir un
système dont nous savons pourtant qu'il est à l'agonie. Au lieu de
soigner le malade, on l'achève, au nom de la solidarité
citoyenne !
Il ne suffit pas de dire « il y a de
l'argent ! » comme le fait Besancenot en montrant du doigt
les entreprises du CAC 40 qu'il recommande de nationaliser, suivant en
cela les prescriptions éclairées de son mentor Chavez. Ces
entreprises font précisément du bénéfice parce qu'elles ne
sont pas gérées par l'Etat, et ce bénéfice a une fonction
économique essentielle. Quand la régie Renault était une
entreprise publique, elle était constamment sous perfusion,
coûtant de l'argent au contribuable. Elle a commencé à faire des
bénéfices lorsqu'elle est devenue une entreprise privée, payant
sa part d'impôt sur le bénéfice (ce qui rapporte de l'argent à
l'Etat). Il est arrivé pratiquement le sort inverse à l'entreprise
BULL, qui était une entreprise bénéficiaire et en pointe avant
de faire l'objet d'une nationalisation. Il faut être carrément
idiot pour vouloir étrangler la poule aux œufs d'or : une
fois nationalisée, les entreprises feront des pertes ; et les
bénéfices s'évaporeront étant entendu que la richesse n'est
pas un stock que l'on peut partager indéfiniment mais un flux qu'il
faut susciter perpétuellement.
Le culte de l'Etat-Régulateur s'appuie dans le même temps sur un
profond rejet de la nation au point qu'il apparait même choquant de
demander aux ayants-droits ou à tous les candidats à la
nationalité française de maîtriser la langue française et
d'adhérer à ses principes constitutionnels. L'Etatisme a phagocyté
la nation. Autrement dit, dans le même temps que les français
réclament et multiplient des droits (opposables), ils nient et
rejettent tous les devoirs que cela implique. Plus personne n'est
prêt à se sacrifier pour la France, mais tout le monde veut sa
carte vitale, un logement gratuit fourni par l'Etat, des écoles,
crèches et universités accessibles à tous sans frais, sans
condition et sans sélection.
Sarkozy candidat avait su créer un élan prometteur de
renouveau puisqu'il avait su parler de la France, et non des petits
bobos catégoriels, car l'intérêt général ne saurait être
la somme des intérêts catégoriels par nature contradictoires.
Pour notre malheur, une fois devenu président, il risque de se lier
les mains en retombant dans cet infernal piège qui consiste à se
porter au secours des revendications corporatistes, lesquelles auront
pour effet de briser le pays.