LE MONDE | 10.01.07 | 14h20 • Mis à
jour le 10.01.07 | 14h20
Pour résoudre le scandale des sans-domicile-fixe, faut-il
davantage protéger les locataires, voire créer un droit au logement, ou, au
contraire, faciliter les expulsions ?
Si le gouvernement
a choisi la première voie, un économiste, Etienne Wasmer, soutient, lui,
paradoxalement, la seconde dans deux cercles de réflexion plutôt de gauche
(l'agence Telos et l'association En temps réel). Pour ce professeur à
l'Institut d'études politiques de Paris, le logement... est surtout affaire
d'économie.
Que ce marché ne
fonctionne pas de manière satisfaisante n'est plus à démontrer : non seulement
l'offre est insuffisante, ce qui provoque une explosion des prix, mais les
propriétaires exigent maintenant de telles garanties (cautions, quatre mois à
débourser immédiatement...) qu'ils écartent les moins favorisés, notamment les
étrangers.
Pour y remédier, la
droite tente régulièrement de s'attaquer au premier problème en aidant
fiscalement les propriétaires, et la gauche multiplie les mesures pour tenter
de lutter contre les discriminations.
Les deux ont tout
faux, explique M. Wasmer. Pour lui, les propriétaires sont des agents
économiques rationnels : s'ils ne louent pas leurs biens (à Paris, le taux de
vacance des logements est de 10 %), c'est notamment parce qu'ils savent qu'ils
auront toutes les peines du monde à expulser un mauvais payeur. D'où,
d'ailleurs, les multiples garanties qu'ils exigent.
Pour inverser la
tendance, M. Wasmer propose sept mesures. Les quatre qui sont en faveur des
propriétaires n'ont qu'un objectif : réduire le délai - de 226 jours selon une
étude américaine - que dure en France une procédure d'expulsion d'un locataire.
Trois sont techniques, mais la quatrième est politiquement explosive :
"Entamer une réflexion sur le caractère systématique de la trêve
hivernale, qui protège indifféremment les locataires de bonne foi en situation
financièrement difficile et des locataires de mauvaise foi qui n'ont pas
nécessairement besoin de cette protection."
En contrepartie, M.
Wasmer propose :
1o D'interdire
les multiples dépôts de garantie et cautions ;
2o D'offrir
des assurances aux personnes en situation d'urgence grâce à un soutien des
associations les prenant en charge ;
3o De
relancer ponctuellement le logement.
Ces mesures
s'inspirent des observations de l'auteur au Québec, là où le droit penche, vu
d'ici, du côté des propriétaires.
Le délai
d'expulsion n'y est que de 43 jours, même durant les hivers rigoureux.
Pourtant, à Montréal, il n'y a pas de logements vides (1,4 % seulement), et,
fin août 2006, seules... 14 familles étaient à la rue. A rapprocher des 100 000
demandes non satisfaites à Paris.
Frédéric Lemaître