Frédéric Fritscher
14/01/2008 | Mise à jour : 14:03
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Le régime de la Ve République va
entrer dans sa cinquantième année. Ses louanges ne manqueront pas d'être
chantées : pour la première fois dans notre histoire constitutionnelle,
les institutions nous auront apporté cohérence et stabilité ; pour la
première fois dans l'histoire de la République, elles auront substitué la
«souveraineté du peuple» à celle de ses représentants.
Les Français peuvent d'autant plus savourer
la valeur de leur régime lorsqu'ils le comparent à la «partitocratie» de
certains de leurs voisins ou pays proches intellectuellement il n'est que de
penser aux édifiants exemples belge et israélien.
Un dithyrambe n'est pourtant pas de mise. En
effet, un régime ne se juge pas seulement au nombre des gouvernements qui se
succèdent. Certains souligneront le déséquilibre de plus en plus accusé des
institutions avec, en temps normal, la présence d'un chef de l'État omnipotent,
d'un premier ministre anémié et d'un Parlement enserré. D'autres mettront en
exergue la disjonction du pouvoir et de la responsabilité : le président
de la République est la «clé de voûte» des institutions, mais il n'en est pas
moins irresponsable politiquement.
Pourtant, là n'est pas l'essentiel. Un
régime se juge avant tout par le degré de liberté qui y règne. Or, les faits ne
sont guère probants. Les atteintes au droit de propriété s'amoncellent, faute
d'une protection efficace ; les impôts et taxes n'ont jamais été aussi écrasants,
la dette publique n'a jamais été aussi élevée, le chômage aussi massif que sous
la Ve République. C'est que nos institutions n'ont pas mis de barrière à
la croissance du pouvoir. Pis encore, elles lui ont donné des armes pour
croître. Selon un paradoxe fréquemment relevé, l'État en France apparaît à la
fois tout-puissant et impuissant. Tout-puissant parce qu'il phagocyte
l'ensemble des pouvoirs. Impuissant parce qu'à remplir des fonctions qui ne le
concernent pas, il n'arrive plus à remplir celles pour lesquelles il a été
créé.
En réalité, force est de constater que nous
subissons encore aujourd'hui les effets délétères d'une erreur originelle
majeure.
À partir de 1789, les constituants français
ont voulu bâtir rationnellement les droits des citoyens à partir d'un pouvoir
parfait au lieu de protéger les droits de l'homme contre un pouvoir
nécessairement imparfait. La dialectique du pouvoir et de la liberté autrement
dit, le constat de la nécessité du pouvoir, mais aussi de son caractère
inévitablement imparfait, en conséquence le fait que le pouvoir doive être
drastiquement limité , si bien comprise par les Anglo-Saxons, ne l'a jamais été
par nos constituants.
Plaise à Dieu que le cinquantenaire de notre
Constitution soit l'occasion d'une réflexion approfondie sur le pouvoir et sur
sa croissance.