OGM :
un fossé entre politiques et scientifiques
19/05/2008 | Mise à jour : 12:58 |
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L'analyse de Martine Perez, Chef du service Sciences et Médecine du «Figaro».
L'absence des députés UMP lors du vote de la loi sur les OGM la semaine dernière, qui a permis son rejet provisoire, ne tient en rien au hasard. Les hommes politiques de droite (sans doute aussi quelques-uns de gauche) sont mal à l'aise avec la question des OGM, tiraillés entre l'idée qu'il peut s'agir d'un progrès réel, et le discours anti-OGM largement relayé sur le terrain dont ils craignent les sanctions électorales. Dans un tel contexte, certains ont trouvé que la politique de la chaise vide était la plus confortable, leur évitant l'accusation d'être des anti-OGM ou, pire encore, d'être des pro. Dans cette polémique, cette guerre d'une violence inouïe depuis des années, les experts scientifiques sont terriblement silencieux. En réalité, la question des OGM ne peut être comprise que si l'on examine chacun des protagonistes et leurs connexions : scientifiques, politiques, associations, et semenciers.
Les chercheurs ont
trouvé le moyen, il y a plus d'une vingtaine d'années, de transformer les
plantes en leur incorporant un nouveau gène. L'objectif étant d'améliorer le
rendement agricole en permettant théoriquement à ces plantes de lutter contre
les insectes, les virus, la sécheresse. Sont donc arrivés sur le marché, après
des années de tests, entre autres, des maïs transgéniques résistants aux
insectes. Les OGM représentent désormais 114 millions d'hectares de
culture (soja, maïs, coton) dans le monde, essentiellement aux États-Unis
(58 millions d'hectares), en Argentine (19 millions), au Brésil (15),
au Canada (8), en Inde, en Chine. L'Europe (et la France) est quasiment
absente, en proie, elle, à des bagarres que l'Amérique et l'Asie n'ont pas
connues.
Les
scientifiques français, en tout cas ceux qui sont responsables de grandes
institutions, comme l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments ou
l'Institut national de recherche agronomique, n'ont pas d'opposition de
principe aux OGM, estimant que chaque plante modifiée doit être évaluée au cas
par cas, et ils défendent plutôt le progrès qu'ils représente.
Certes,
quelques chercheurs (largement mis en avant par les associations) sont opposés
aux OGM mais ils sont très minoritaires. Si les experts
restent silencieux, c'est parce que plusieurs d'entre eux ayant défendu les OGM
ont subi moult accusations, comme celle d'être «vendus» aux intérêts des
semenciers. Pour eux, le problème est maintenant celui d'une «acceptation
sociale».
Les
associations, comme Greenpeace, jouent elles un rôle essentiel, plaidant sans
relâche, en Europe en tout cas, pour un monde sans OGM, inondant les
journalistes en charge de sciences ou d'agriculture, de courriels dénonçant les
risques des OGM et les profits des grands semenciers, comme Monsanto ou
Syngenta.
De
même leur pression sur les politiques est très forte. Bernard
Debré, député UMP et médecin, en a fait personnellement les frais. Après avoir
pris fait et cause pour les OGM dans un article du Parisien en avril dernier,
il a reçu plusieurs centaines de courriels d'insultes et de menaces. Les anti-OGM n'ont de cesse de dénoncer le
lobbying des pro-OGM et des semenciers, mais font abstraction de la pression
massive qu'eux-mêmes exercent sur les politiques et les journalistes ! Les
semenciers, ces grandes firmes qui commercialisent les semences transgéniques
et en tirent profit, s'ils exercent un lobbying à Bruxelles, sont bien plus
discrets au niveau médiatique.
Dans
cette guerre passionnelle que les scientifiques ont désertée, laissant aux
politiques et aux associations le soin d'élaborer un introuvable consensus, les
sondages montrent que les Français bien nourris sans OGM y sont majoritairement
opposés. Mais que se passera-t-il dans dix ans ?
Les OGM améliorent significativement le rendement agricole pour ce qui est du
maïs. Face à la demande croissante de céréales, les pays qui ont un rendement
accru seront les plus compétitifs. Les
céréales françaises, au prix de revient trop élevé, risquent, elles, de trouver
de moins en moins preneur.